Qu’est-ce que le Vin Nature ?
Les vins nature sont davantage un concept qu’une catégorie bien définie avec des critères convenus et légales. C’est pour cette raison qu’il fait débat et que le label Vin Methode Nature a été créé. Dans sa forme a plus pure, c’est un vin produit à partir de jus de raisin fermenté, issu de vignes cultivés sans produits chimiques de synthèse, et rien d’autre. Du 100 % raisin fermenté…
Les moins connaisseurs peuvent trouver cette définition du vin nature plutôt évidente. Car que pourrait-on rajouter autre que du raisin pour faire du vin ? Pas mal de cochonneries… Dans un vin dit conventionnel, on peut trouver plus de 80 intrants œnologiques permettant de protéger et de guider la vendange. Anhydride sulfureux, auto enrichissement par évaporation, auto enrichissement par osmose inverse, autolysats de levures, bactéries lactiques… la liste est longue, et les noms ne donnent pas vraiment envie de boire ce cocktail chimique… Vous n’aviez jamais remarqué que le vin est le seul produit alimentaire qui n’est pas obligé de mentionner les ingrédients ?
Si cela reste encore méconnu du grand public, c’est que le lobby du monde viticole est assez puissant. Les vins et spiritueux français sont les seconds contributeurs à la balance commerciale, derrière l’aéronautique…
Aujourd’hui, l’ingrédient qui fait le plus débat sont les sulfites. C’est du dioxyde de soufre, sa formule chimique est « SO2 » pour les plus intimes. Pouvant être d’origine naturelle, dans l’industrie du vin, il provient essentiellement de l’industrie du pétrole. Les adeptes du sulfitage, vous diront que cela permet de protéger le vin du contact de l’air (qu’il ne tourne pas au vinaigre) et d’empêcher le développement des mauvaises bactéries. Les plus sceptiques rétorquerons qu’il est inscrit sur la liste des 14 allergènes majeurs pouvant provoquer irritations, maux de têtes, difficultés respiratoires, démangeaisons, etc. Mais surtout, ils vous diront que cela change le goût, le toucher en bouche et l’énergie du vin. Et très important, que le lendemain, vous aurez bien moins mal au crâne ! À vous de faire votre propre avis…
Scissions et Associations du Vin Nature
Le vin naturel, pour un grand nombre de ses fervents défenseurs, n’est pas qu’une question de pinard. C’est un projet de société, ou au moins une conception agricole, pas très copain-copain avec l’industrie agro-alimentaire. Mais comme tout mouvement altermondialiste et plutôt anti-système, il suffit d’un seul point de désaccord pour créer des scissions plus radicales les unes que les autres.
Pour résumer, pour la vinification d’un vin naturel, il y a ceux, comme le label Vin Méthode Nature, qui acceptent que l’on rajoute une dose minime de sulfites (jusqu’à 40 mg/l de SO2 totaux). Et ceux qui ne veulent pas en entendre parler du tout. (Pour avoir un point de comparaison, la dose maximal de sulfites autorisés dans un vin conventionnel est de 200 mg/l SO2).
Avant l’apparition du label Vin Méthode Nature, afin de s’organiser, de rassembler les vignerons dans la même état d’esprit, de garantir aux buveurs de vin sans sulfite le respect d’un cahier des charges strict, des associations se sont créées. Les deux principales sont l’AVN (Association des Vins Naturels) et les Vins S.A.I.N.S (Sans Aucun Intrant Ni Sulfite (ajouté)). Chacun à sa définition, ses critères du vin naturel, avec parfois une dimension sociale. « Un vigneron (Personne qui cultive la vigne et élabore son vin) respecte les consommateurs et plus généralement le public qu’il est amené à côtoyer sur tout type de situation qui a trait à son métier. D’autre part, un vigneron de l’Association des Vins S.A.I.N.S. a un esprit d’entraide, participatif, amical et convivial », peut-on lire.
Même si on ne peut que louer de telles initiatives, il faut être réaliste. Leur portée reste limitée à un groupe restreint de personnes déjà convaincues.
Label Vin Méthode Nature
Si le vin nature n’a pas de définition officielle, c’est que la DCCR (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes) n’accepte pas que l’on inscrive le mot « nature » pour un produit transformé par l’homme. Pour eux, c »est trompé le consommateur.
Marre d’être orphelin de toute reconnaissance officielle, en septembre 2019, des acteurs du monde viticole ont créé le Syndicat de défense des vins naturels. Ils ont déposé une charte “Vin Méthode Nature” auprès des services des fraudes (DGCCRF). Et en mars 2020, cette charte a été validée officiellement. Si celle-ci a été tamponnée, c’est parce que le mot « Méthode » s’est glissé au milieu. D’accord ou non avec cette démarche, voici les principaux points qui régissent ce label vin :
Charte du label Vin Méthode Nature
- 100 % des raisins destinés à un vin qui se revendique « Vin méthode nature » se doivent d’être issus d’une agriculture biologique engagée et certifiée.
- Les vendanges sont manuelles.
- Les vins sont vinifiés uniquement avec des levures indigènes.
- Aucun intrant n’est ajouté.
- Aucun sulfite n’est ajouté avant et lors des fermentations, ni dans les pieds de cuve. (Possibilité d’ajustement – de l’ordre de : SO2 < 30 mg/l H2SO4 total, quelle que soit la couleur et le type de vin – avant la mise ; obligation d’information d’adjonction de sulfites, mentionnée sur l’étiquette via un logo dédié).
Les limites du label Vin Méthode Nature
Il est évident que le point positif de la création du label Vin Methode Nature est l’assurance du respect d’un cahier des charges établi pour le vin naturel. Jusque-là, cette garantie était un accord de principe tacite (sans contrôle) entre le vigneron, les intermédiaires (cavistes, agents, sommeliers…) et les consommateurs, n’échappant pas aux abus de confiance…
Encore toute jeune, peu de vignerons ont adhéré à cette charte. Il lui faudra du temps pour s’imposer comme une référence. Mais même si cela est une avancée dans la reconnaissance officielle du vin nature pour une partie de ses acteurs et consommateurs, tout le monde ne partage pas ce point de vue.
En effet, le fait d’institutionnaliser le vin nature, une pratique se revendiquant libre et datant depuis que l’homme s’enivre (et donc bien avant les produits chimiques de synthèse) peut sembler paradoxal. De plus, si cette charte s’impose comme une référence, où classera-t-on ces vignerons, comme le domaine Cadavre Exquis, travaillant sans produits chimique ni aucun intrants (même pas de bouillie bordelaise ou traitement à base de plantes dans les vignes et aux vins sans sulfites ajoutés) mais ne se sentant pas forcément représenté par le mouvement des vins naturels et ne voulant pas adhérer à cette charte pour diverses raisons ?
Il est important de rappeler que les vignerons se revendiquant de ce mouvement n’ont pas le monopole du travail « propre ». Afin donc de n’exclure personne et de changer de paradigme sur la vision globale de la société sur l’agriculture, obligeant les paysans travaillant proprement à se justifier et à payer pour l’attribution d’un label, ne serait-ce donc pas plutôt aux vins contenant des intrants de le mentionner ? Cela semble juste du bon sens…