Charles Baudelaire
Né à Paris en 1821, il meurt dans la même ville en 1867. Charles Baudelaire a tué le game de la poésie française. Il a définitivement écrit les plus beaux textes sur le vin. Dont l’âme du vin.
L’âme du vin
Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles :
« Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumière et de fraternité !
Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
De peine, de sueur et de soleil cuisant
Pour engendrer ma vie et pour me donner l’âme ;
Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,
Car j’éprouve une joie immense quand je tombe
Dans le gosier d’un homme usé par ses travaux,
Et sa chaude poitrine est une douce tombe
Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.
Entends-tu retentir les refrains des dimanches
Et l’espoir qui gazouille en mon sein palpitant ?
Les coudes sur la table et retroussant tes manches,
Tu me glorifieras et tu seras content ;
J’allumerai les yeux de ta femme ravie ;
A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs
Et serai pour ce frêle athlète de la vie
L’huile qui raffermit les muscles des lutteurs.
En toi je tomberai, végétale ambroisie,
Grain précieux jeté par l’éternel Semeur,
Pour que de notre amour naisse la poésie
Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur ! »
Merlin Salerno
Fils de vigneron & de poétesse, Merlin est un « digital nomad » vivant principalement entre la Géorgie et Marseille. Il a écrit un recueil de poésie sur le vin : Ivresse. Vous pouvez le suivre sur insta : @merlin.salerno
Le Champagne
le sperme
la sueur
la cyprine
le sang
sur nos deux corps maculés
esquissent
un cadavre exquis
abritant
ses montages et ses océans
ses lois et ses civilisations
ses dieux et ses égouts
jusqu’à ce que la lame de l’aube
et ses obligations
nous dépouillent
de nos empires précaires
Même vin vivant
s’écoulant
des rives du Rhin
jusqu’à nos gorges intellects
Même poésie de la ville
abreuvant
nos esprits soûlards
Même ange pornographique
giclant
dans nos routines casanières
Même lune
bicravant
nos réponses d’hier
Discordante ivresse
Omar Khayyâm
Omar Khayyam, né en 1048 à Nichapur (actuel Iran) et meurt en 1131, est un poète, mathématicien, philosophe et astronome persan. Il a écrit les plus beaux poèmes sur le vin. Sa spécialité ? Des quatrains pour nous rappeler de kiffer la vie !
Buvons, car le ciel avide de ta perte et de la mienne
Nourrit un dessein perfide contre ta vie et la mienne
Parmi la jeune verdure dégustons le vin ardent :
L’herbe poussera longtemps sur tes cendres et les miennes
Hélène Dassavray
Hélène Dassavray est née au milieu du siècle dernier dans le Territoire de Belfort. Elle habite dans le Luberon depuis quelques décennies. Elle a déjà vécu plusieurs versions d’elle-même, l’écriture en fil rouge, sa colonne vertébrale, quotidienne, romanesque et poétique. Par ailleurs, elle milite pour la légalisation de la douceur. Elle a un blog de poésie qu’on vous conseille d’aller voir !
Le vin comme les fleurs
fourreaux d’arômes
robes de couleurs
grise l’esprit, grise l’âme
d’un simple charme
étourdit la douleur
Li Po
Li Po, né en 701 et mort en 762, est un des plus grands poètes chinois de la dynastie Tang. Un banni du ciel condamné à vivre sur terre dont tous ses poèmes sont imbibés de vin…
Libation solitaire au clair de lune
Parmi les fleurs un pot-de-vin :
Je bois tout seul sans un ami.
Levant ma coupe, je convie le clair de lune ;
Voici mon ombre devant moi : nous sommes trois.
La lune, hélas, ne sait pas boire ;
Et l’ombre en vain me suit.
Compagnes d’un instant, ô vous, la lune et l’ombre !
Par de joyeux ébats, faisons fête au printemps !
Quand je chante, la lune indolente musarde ;
Quand je danse, mon ombre égarée se déforme.
Tant que nous veillerons, ensemble égayons-nous ;
Et, l’ivresse venue, que chacun s’en retourne.
Que dure à tout jamais notre liaison sans âme :
Retrouvons-nous sur la lointaine Voie Lactée !
Paul Verlaine
Paul Verlaine est un écrivain et poète français né à Metz (Moselle) le 30 mars 1844 et mort à Paris le 8 janvier 1896. Amant de Rimbaud, quand il n’a pas la gâchette facile… il écrit des magnifiques textes sur la vigne et le vin.
Vendanges
Les choses qui chantent dans la tête
Alors que la mémoire est absente,
Ecoutez, c’est notre sang qui chante…
O musique lointaine et discrète !
Ecoutez ! c’est notre sang qui pleure
Alors que notre âme s’est enfuie,
D’une voix jusqu’alors inouïe
Et qui va se taire tout à l’heure.
Frère du sang de la vigne rose,
Frère du vin de la veine noire,
O vin, ô sang, c’est l’apothéose !
Chantez, pleurez ! Chassez la mémoire
Et chassez l’âme, et jusqu’aux ténèbres
Magnétisez nos pauvres vertèbres
Abû-Nuwâs
Né entre 747 et 762 à Ahvaz (Iran actuel) et décédé vers 815 à Bagdad (Irak), Abû-Nuwâsest un poète persan d’expression arabe, ivrogne, pédéraste, libertin, aussi connu par ses bons mots et ses facéties, que par ses vers et ses citations sur le vin.
Dis-moi : « voilà du vin ! », en me versant à boire.
Mais surtout, que ce soit en public et notoire.
Ce n’est qu’à jeun que je sens que j’ai tort.
Je n’ai gagné qu’en étant ivre-mort.
Proclame haut le nom de celui que tu aimes,
car il n’est rien de bon dans les plaisirs cachés
Bonjour,
Voici un poème dont je suis l’auteur et qu’il m’est agréable de vous adresser ; peut-être aurez-vous envie de le publier ?
LE NEZ DU VIN
PHILTRE D’AMOUR
Vous me dites, Madame : « Ah que ce vin sent bon ! » ?
Venez donc avec moi, profitez d’un bon nez !
Des arômes du vin, retenez bien le nom
En découvrant les lieux où je vais vous mener
Commençons en Alsace ; De Bergheim à Rouffach
Là, entre Vosges et Rhin poussent des raisins nobles
Exhalant en été, lorsque le soleil claque
Des senteurs d’eau-de-vie propres à ces doux vignobles
Humez bien ce pinot et son odeur de pomme
Sentez tout aussitôt cette fleur d’oranger
Ne distinguez vous point dans ce Riesling la somme
De parfums de citron et de fleurs du verger ?
Avalez les effluves du Tokay Pinot gris
Ce sont des goûts de noix, de crème et beurre frais
Du Gewurztraminer extrayez le litchi
Respirez le pétale de rose s’il vous plaît.
Avançons maintenant en pays bourguignon
Et découvrons Madame cette côte de Beaune
Dont la terre permet la délicate union
De vins rouges et blancs, pas très loin de la Saône.
Inclinez vous devant Chassagne-Montrachet
Vin blanc unique au monde aux senteurs d’ananas
Et aussi de melon ; Du Pommard approchez
L’odeur du minéral, la moiteur des sous-bois.
Quittons Beaune et sa côte, à la côte de Nuits
Rendons-nous sans tarder, les grands vins sont légions
Et comme celles-ci s’annoncent à grands bruits
Au monde qui connaît tout entier la Région.
Traquez le Nuits Saint Georges, respirez par le nez
Ses arômes de truffe et de terre mouillée ;
Sentez chez son voisin, le Vosne Romanée
Les fleurs et puis la mûre et le bois vanillé
Juste à la pointe Nord, Chambolle-Musigny
Vous offre bouquet d’herbes et noisette grillée
Quand Gevrey-Chambertin en concert réunit
Fruits noirs et chocolat, cassis et pain grillé.
Ne nous attardons pas et vers Bordeaux partons
Tant de vins nous attendent, tant de crus nous appellent
Qu’on a bien de la peine à retenir leurs noms
A cerner leurs châteaux, à hanter leurs chapelles
Goûtez en Pomerol, ce faubourg du vieux port
De Libourne endormi, ces grands vins de légende
Aux senteurs d’herbe fraîche, de truffe et de thé fort
Puis à Saint Emilion comme au temps des Jurandes
Jouissez sans retenue des parfums de l’olive
De l’arôme de menthe et d’herbes de Provence
Avant que nous allions là-bas sur l’autre rive.
Du pays de Sauternes où tout n’est qu’élégance
Remerciez Botrytis ; sa pourriture noble
Produit un nez de miel et de noix de coco
Ce nectar vous enivre autant qu’un paso-doble.
Aux rives d’a côté d’où l’on voit les coteaux,
Ce sont les vins de Graves mais ils ne le sont pas
Ils jouent entre Garonne et la forêt landaise
Ont un parfum d’agrumes, de figue et de tabac
Ils se disent légers mais ce sont des fadaises
Madame, Echappons nous, filons vers le Médoc
En partant de Margaux jusques à Saint Estèphe
Sur les rives pierreuses, pareilles à des rocs
Portez votre regard que n’obstrue nul relief
Respirez longuement la fragrance du cèdre
L’odeur de la violette et celle du feuillage
Pareil à lui je tremble à l’idée de vous perdre
Et j’ai peur de ne pas terminer ce voyage
Ah ! quels regrets j’aurais à devoir vous quitter
Alors qu’en d’autres lieux du beau Pays de France
Je vais avoir plaisir à vous accompagner
On y trouve Madame autant de différences
Que de ravissements à voir votre beauté.
Je vais vous amener à Bourgueil, à Chinon
A Sancerre, à Pouilly qui sont tout à côté
Dans les vins de Champagne en chantant votre nom
Je ferai mille vœux, vous ouvrirai la Voie
De la côte du Rhône comme de l’Hermitage
Je poursuivrai la route jusques en Minervois
A Corbières, à Fitou pas très loin de la plage
Après une escapade aux rives de l’Adour
Nous irons à Buzet puis à Monbazillac
Vous approchant de moi, vous sentirez l’amour
Que je veux vous donner chez moi à Bergerac
Si seulement Madame en offrant mes hommages
Je pouvais espérer de vous quelques faveurs
Mais ce nez qui vous sert est mon désavantage
Sauf à vous respirer comme un bouquet de fleurs
Et pourtant, enivrée par toutes ces senteurs
Peut-être voudrez-vous me dévoiler vos charmes
Oubliant un moment ce qui fait ma laideur
Ah Madame ! Que vois-je ? Mais oui ce sont des larmes !